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Soirée-débat : les alternatives à l’incarcération

« Les alternatives à l’incarcération : comment sortir de la culture de l’enfermement en France ? » : c’était le thème du débat organisé par la Fondation M6 le jeudi 10 octobre dernier dans les locaux du Groupe M6. La soirée a réuni une cinquantaine de partenaires associatifs, institutionnels, et issus du monde de l’entreprise, engagés pour l’insertion des personnes placées sous main de justice, ainsi que plusieurs collaborateurs du Groupe M6.

Au cours de la soirée animée par Nathalie Renoux, journaliste et marraine de la Fondation M6, quatre intervenants ont pu partager leur expérience : Suresh T., « compagnon » des Foyers Matter et employé de cuisine en restauration collective ; Angélique Heidsieck, vice-présidente du tribunal de grande instance de Versailles ; Cécile Dangles, vice-présidente chargée de l’application des peines au tribunal de grande instance de Lille ; et Marc Renart, vice-président des Foyers Matter (association qui accompagne des personnes condamnées en aménagement de peine).

L’objectif de la soirée, identifier les enjeux et éventuels freins des différents acteurs du parcours justice sur les alternatives à l’incarcération et répondre à cette question centrale : comment éviter le recours à la détention qui, dans bien des cas, reste la peine de référence? Pour rappel, au 1er juillet 2019, seules 22,5% des personnes écrouées étaient placées en aménagement de peine, alors même que la densité carcérale globale atteignait les 117,4% en moyenne et plus de 200% dans plusieurs maisons d’arrêt.

Pour Marc Renart, ancien chef d’entreprise, continuer à enfermer certaines personnes, notamment avant qu’elles ne soient jugées, relève d’un paradoxe : « Quand on sait qu’il y a 20 000 prévenus (en attente de jugement) et 10 000 personnes en surnombre par rapport au nombre de places en prison, on se rend compte qu’il y a un réel enjeu sur les alternatives, avant même le jugement. »

Angélique Heidsieck a souligné le rôle du législateur qui, depuis plusieurs années au travers des lois et réformes pour la justice, incite les juges à prononcer de plus en plus de sanctions alternatives à l’incarcération, même si l’évolution des pratiques des magistrats reste encore nécessaire afin d’y recourir plus systématiquement.

Les obstacles à la sortie de prison sont nombreux : logement, santé, emploi… L’insertion durable n’est possible qu’en travaillant tous ces enjeux. Pour Cécile Dangles, il est important de construire le projet « avec » les personnes suivies en leur faisant confiance, ainsi qu’en « utilisant les initiatives existantes » portées par différents acteurs de la société (associations, entreprises, collectivités…).

Suresh T., accompagné par les Foyers Matter depuis juillet dans le cadre d’un aménagement de peine, a tenu à souligner le rôle primordial des bénévoles dans son parcours : « En prison, on est regardés comme des criminels, alors qu’aux Foyers Matter, les accompagnateurs comme les bénévoles nous considèrent comme des personnes normales : ça change tout. ». C’est en effet l’un des points importants dans le travail de « réconciliation » des compagnons avec la société mené par l’association, confirme Marc Renart.

La rencontre s’est achevée sur des questions-réponses, émanant de partenaires associatifs et anciens détenus présents, autour des moyens à mettre en œuvre pour favoriser les alternatives et sur les avancées prévues par la nouvelle loi de programmation pour la justice… La question de l’opinion publique sur ces alternatives ayant été plusieurs fois abordée lors de l’échange, Isabelle Verrecchia, déléguée générale de la Fondation M6, a proposé que, lors de la prochaine soirée-débat, chacune des personnes présentes vienne accompagnée par une personne de son entourage étrangère à la question pénitentiaire, persuadée qu’une stratégie « de petits pas » peut porter ses fruits dans le travail de sensibilisation mené par les acteurs présents !

© J. Lemonnier / Fondation M6