Fondation

Portrait d’un voyageur en apprentissage de l’écriture

Mardi après-midi, centre pénitentiaire du Havre, dans une salle réservée au « scolaire ». Au milieu de ses camarades, Monsieur M., jean baskets, crâne rasé et yeux bleus grand ouverts, est prêt à partager un moment avec Plana Radenovic, journaliste, auteure, et membre du jury du Concours d’écriture Au-delà des lignes*. L’objectif de la rencontre : échanger autour des mots et désacraliser l’écriture.

« On voulait rencontrer la journaliste »

 

Autour de la table : Plana Radenovic, accompagnée par la Fondation du Groupe M6, deux enseignantes de l’Education Nationale, un représentant de la direction du centre pénitentiaire du Havre ainsi que 8 hommes suivant des cours d’alphabétisation en détention.

Une fois les présentations faites, les apprenants posent les questions soigneusement préparées avec leur enseignante à la journaliste Plana Radenovic. Parmi les thèmes abordés : les liens familiaux, la normalité, le rapport à l’écriture, l’éducation, le bénévolat…

Pour Monsieur M., qui accueille régulièrement un visiteur de prison, rencontrer des personnes de l’extérieur est une chance : « ça permet de discuter d’autre chose que la prison, ça fait du bien ».

« Oser écrire »

 

Lors d’un atelier d’écriture précédent avec leur enseignante – qui a lieu 2 fois par semaine, les participants ont réfléchi autour du thème de cette 5ème édition du concours : Oser. Un exercice pendant lequel les idées ont fusé, si l’on en croit l’enthousiasme de la professeure. Face à nous, le groupe est un peu plus réservé. Pour certains, prendre la parole et lire en public, c’est déjà oser.

Selon Monsieur M., « le mot Oser veut dire beaucoup de choses… Oser s’exprimer, dialoguer… Oser écrire aussi ».  Lui, qui a à plusieurs reprises salué le courage de l’auteure face à certains événements de sa vie, fait également preuve d’un grand courage pour apprendre à lire et à écrire à l’âge adulte.

 

Apprendre à écrire pour se réinsérer et gagner en autonomie

 

« La première fois que j’ai lu, c’était à l’école. J’ai fait un CAP, mais je ne l’ai pas passé ».

Monsieur M., 52 ans, fait partie de la communauté des gens du voyage, et a multiplié les emplois dans des raffineries aux quatre coins du Nord de la France. Il a renoué avec l’écriture en détention, d’abord pour pouvoir déchiffrer les lettres reçues par sa compagne, puis en suivant un parcours d’alphabétisation, dispensé par l’Education Nationale au sein de la prison.

Lui qui avoue ne lire que la rubrique Faits divers dans les journaux, voit aussi l’apprentissage de la lecture et de l’écriture comme une aubaine en vue de sa sortie de prison : « Ça nous sert pour faire les démarches pour dehors, quand on sait écrire, on peut faire les demandes nous-même ». Un pas vers la réinsertion donc, mais aussi vers l’autonomie, précieuse pour ces hommes qui doivent recourir à l’écrit et donc à une personne tierce pour toutes les demandes d’activités ou de rendez-vous au sein de la prison.

En 2018, Monsieur M. avait participé à la 3ème édition du Concours d’écriture Au-delà des lignes sur le thème des Couleurs. Cette année, il prévoit d’écrire un texte autour du mot « voyager », son préféré de la langue française. Espérons qu’il saura embarquer le jury pour un joli voyage. Réponse début juillet lors de la cérémonie de remise des prix.

 

 

 

 

* À propos du concours d’écriture Au-delà des lignes :

Pour la cinquième année consécutive, la Fondation du Groupe M6 organise en 2020 le concours d’écriture Au-delà des lignes en milieu carcéral, en partenariat avec l’Éducation nationale et l’Administration pénitentiaire. Il a pour objectif de lutter contre l’exclusion des personnes en rupture avec l’écriture. Chaque édition se déroule en deux temps : des ateliers d’écriture menés par les enseignants de l’Éducation nationale à destination de 3 catégories : débutants, intermédiaires, confirmés ; puis la sélection des lauréats par un jury composé d’écrivains, de journalistes et de personnes issues de l’Éducation nationale, de l’Administration pénitentiaire et de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI).